Par-delà les temps à venir (extrait)

Par delà les temps à venir (page 135-136)

Zubin Hart ne décolérait pas. Il s’était toujours considéré comme un pilote d’élite. Il ne comptait plus ses heures de vol et pensait même qu’il était le meilleur de tous. Il en voulait surtout au chef de l’opération, un certain Zem, un métèque de Xanae qui l’avait retiré de l’équipe de reconnaissance pour mauvaise entente avec les autres pilotes. La rage au cœur et sans en référer à quiconque il était allé se consoler dans un des bars de la cité.

      Au bout de la troisième vodka chimiquement améliorée, il commença à raconter à la ronde ses malheurs. Les autres, aussi avinés que lui, et plutôt intéressés par l’observation des variations du niveau du liquide dans leur verre,  l’écoutaient d’une oreille distraite. Ils s’aperçurent véritablement de sa présence lorsque d’un violent coup de poing sur la table, il renversa son verre.

      — Un salopard de moitié de Xanéen, vociférait-il. Les pires de tous. Ecoutez-moi vous autres, j’ai des choses à vous dire. Ҫa fait dix jours que je survole la Zone Morte, dans tous les sens. Une mission importante disait-il. Une mission secrète. Que cela ne sorte pas d’ici ! Tu parles. Je vais bien me gêner maintenant qu’ils m’ont viré.

      Il était maintenant devenu le point vers lequel toutes les attentions convergeaient. Les clients du bar en avaient même oublié les trois filles à moitié dénudées en train de se contorsionner sur une scène au son d’une musique censée évoquer l’infinitude spatiale et temporelle. L’un d’eux apporta un autre verre de vodka au bavard qui, sans prendre la peine de remercier, repartit de plus belle.

      — Bien sûr qu’il ne fallait pas en parler et pour cause. On a tous cru que c’en était fini des envahisseuses. On a tous fait la fête. On a tous eu droit à de beaux discours. On a tous applaudi. Il va falloir penser à l’avenir, qu’elle disait la Présidente. La vérité, eh bien ! Moi, je vais vous la dire la vérité. Elle n’est pas belle la vérité. L’avenir non plus.

      Il s’énervait, avait de plus en plus de mal à articuler. Il essaya d’attraper son verre, le renversa.

      — Il a trop bu.

      — Il divague, lançaient quelques spectateurs que le spectacle n’amusait plus.

      Hart était devenu le gêneur qu’il fallait jeter dehors.

      — La vérité, je vais vous la dire. C’est une bombe qu’ils cherchent, une bombe atomique. Pas une petite comme l’autre fois, mais une grosse. « Boum ! », qu’il fait en levant les bras au ciel.

      Ses paroles eurent l’effet d’une véritable explosion. Les derniers mots avaient figé l’assistance. Dans les deux heures qui suivaient, la nouvelle avait fait le tour d’Aurorapole.